Référé secret des affaires : le Conseil d’Etat se prononce sur le cas des assistants à maîtrise d’ouvrage

Conseil d’Etat, 10 février 2022, n° 456503, Société hospitalière d’assurances mutuelles

Créé par décret n°2019-1502 du 30 décembre 2019, le nouvel article R. 557-3 du Code de justice administrative dispose que :

lorsqu’il est saisi aux fins de prévenir une atteinte imminente ou faire cesser une atteinte illicite à un secret des affaires, le juge des référés peut prescrire toute mesure provisoire et conservatoire proportionnée, y compris sous astreinte. Il peut notamment ordonner l’ensemble des mesures mentionnées à l’article R. 152-1 du code de commerce“.

Depuis lors, seules des juridictions de première instance avaient été saisies de ce référé “secret des affaires” (TA de Nancy 4 novembre 2020, n° 2002619 ; TA de Montreuil, 1er juin 2021, n° 2106741). Les juges administratifs avaient ainsi sanctionné la pratique de l’analyse des candidatures et des offres par un assistant à maîtrise d’ouvrage qui avait entretenu une proximité avec l’un des candidats (participation à l’élaboration du marché public d’assurances et candidature à ce même marché).

Dans une récente affaire, le Conseil d’État a été saisi d’un pourvoit en cassation contre l’ordonnance du 19 juin 2021 (n°2100560) du juge des référés du Tribunal administratif de Guadeloupe.

En l’espèce, la société hospitalière d’assurances mutuelles (SHAM), candidate à l’attribution de plusieurs lots du marché public d’assurance du Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Pointe-à-Pitre, et craignant de voir divulguées par l’assistant à maîtrise d’ouvrage (AMO) du CHU, la société ACAOP, des informations couvertes par le secret des affaires à ses concurrents directs, avait demandé au juge des référés d’interdire l’accès du dirigeant de la société ACAOP et de ses préposés aux pièces déposées par les candidats et de suspendre l’analyse des offres. Le Tribunal administratif de Guadeloupe lui avait donné raison.

En revanche, le juge du Palais royal a considéré que l’obligation professionnelle de confidentialité de l’AMO exclut a priori le risque d’une atteinte imminente au secret des affaires dans le cadre d’une procédure de passation de marchés publics d’assurance.

L’atteinte était surtout caractérisée par le risque de diffusion de documents de l’offre, tarifaire notamment, par l’AMO à certains soumissionnaires, de manière dissimulée ou informelle, pouvant sérieusement impacter l’organisation des candidats.

Le Conseil d’État a invité la société requérante à saisir le juge du référé précontractuel, si elle s’estimait lésée par un manquement aux règles de publicité et de mise en concurrence, tenant, le cas échéant, en une violation par le pouvoir adjudicateur du secret commercial ou de l’impartialité à laquelle celui-ci est tenu.